« Je fais des vins du Sud. Et par conséquent je recherche des terroirs qui donnent de la fraîcheur. »
Jean-Louis Pinto
Où ?
Jean-Louis Pinto est un enfant de l’Ariège qui a choisi de rester au pays. Son domaine Es d’Aqui est situé à Moulin-Neuf, commune limitrophe de l’Aude, entre Mirepoix et Limoux. Dans cette région, les vignes furent abondantes jusqu’aux grosses attaques de mildiou du début du XXe siècle. La vocation céréalière se développa ensuite et les vignes disparurent. Les quelques parcelles que l’on y trouve sont des replantations relativement récentes.
Comme son ami Anthony Tortul de La Sorga, Jean-Louis Pinto est négociant vinificateur : il achète des raisins cultivés en bio par d’autres vignerons et les vinifie chez lui selon des méthodes naturelles. Il a, dit-il, « beaucoup de vignes en commun » avec Anthony et les deux camarades partagent certaines parcelles. Reflet de ses déménagements successifs, son aire de collecte de raisins s’étend sur tout le Languedoc : Faugères (Cabrerols), Saint-Chinian (Berlou), Adissan (Pézenas) où il achète les raisins de Rémi Poujol ; et surtout Limoux et Gaillac, deux régions auxquelles il est particulièrement attaché.
Dernière minute : le négociant vinificateur vient d’acquérir quatre hectares sur la commune de Moulin-Neuf. Il attaquera les plantations l’année prochaine et nous vous tiendrons au courant, bien entendu.
Terroir et sols
Jean-Louis aime les sols typiques du Languedoc : schisteux, basaltiques, terroirs caillouteux et argilo-siliceux des terrasses villafranchiennes. Ce profil pédologique donne à ses vins la fraîcheur qu’il recherche. « Je fais des vins du Sud, dit-il. Je cherche surtout des terroirs qui donnent de la fraîcheur, même si les vins titrent 14 °C. Une minéralité qui donne des vins frais et digestes, mentholés, aux saveurs de garrigue… »
Parcellaire et encépagement
La composition des vins d’Es d’Aqui est conforme à la tradition languedocienne : grenache et carignan à Faugères, mauzac à Limoux, cinsault à Berlou ; à Gaillac, braucol, duras et sauvignon (implanté depuis longtemps). « À Gaillac, ce qui m’intéressait surtout, c’était le braucol. Le sauvignon de Gaillac, sous ce climat du Sud-Ouest, mûrit bien et garde davantage de fraîcheur aromatique, en plus d’une note de zeste d’agrume apportée par la macération. »
Méthodes culturales
« Tous les vignerons à qui j’achète des raisins travaillent en bio certifié, sans intrants, sans sulfites. Ce sont des amis, je les connais et ils savent ce que je veux. Je surveille la maturation, je fais des passages jusqu’au mois d’août, quand j’ai encore le temps d’aller voir l’état des raisins. C’est important de toucher le raisin, de le connaître avant de vendanger. Une fois que j’ai déterminé à peu près la date de vendanges, nous affinons par téléphone. »
Vinification
Jean-Louis vinifie tous les raisins chez lui. Pour la moitié des rouges, il pratique de longues macérations en grappes entières et des macérations de trois semaines pour les autres. Les blancs sont, le plus souvent, macérés trois semaines. L’usage d’un pressoir vertical permet des pressurages très doux. Outre les cuves en inox ou en fibre de verre, Jean-Louis a récemment acquis cinq jarres en terre cuite où il réalise les rouges les plus puissants. « Ces jarres me permettent d’extraire ce que je veux, de jouer avec les tannins et de leur garder un petit côté anguleux qui donne une direction au vin. Selon la forme de la jarre, il y a plus ou moins de flux interne, ce qui donne des résultats différents d’un millésime à l’autre. Pour les blancs, la macération en jarre donne aux vins un côté très cristallin. Les terroirs de schiste sont parfaits pour ce type de vinification, qui produit des vins plus nets, plus directs et plus tendus, même s’ils sont un peu moins ronds que ceux que je faisais avant. »
Les vins
Le rapport sol-vin apparaît très clairement chez Jean-Louis Pinto. La notion de lieu, d’abord, est la clé du nom Es d’Aqui : les étiquettes des vins reproduisent des cartes qui indiquent la provenance des raisins. La retranscription intacte du terroir et de la typicité est son premier souci. Sur les terrains schisteux de Faugères et de Saint-Chinian, les vins expriment un côté aérien et floral, tout en agrumes et en touches mentholées. À Gaillac, en rouge, le braucol développe des notes denses et végétales de violette, de bourgeon de cassis, et un fruité généreux (cuvée Nino). Ayant trouvé un terrain plus en altitude, Jean-Louis peut le vendanger à belle maturité et le faire macérer six mois en grappes entières afin que ce cépage révèle toutes ses épices. La cuvée Paloma, vin de raisins blancs et rouges macérés une dizaine de jours, était initialement destinée à être un rosé : dotée d’un peu de matière, elle est devenue un rouge léger.
