Producteur : Justine Vigne

C’est au cœur de l’Enclave des Papes, sur les terres secrètes et parfumées de Richerenches, que Justine Vigne a choisi d’écrire son propre chapitre dans une histoire familiale commencée il y a près de deux siècles. Lieu singulier, traversé par les siècles et les senteurs, Richerenches est connu pour sa truffe noire, la célèbre Tuber Melanosporum, et son passé templier. C’est là, entre lavandes, céréales et vieilles pierres, que cinq générations ont cultivé la terre avec une fidélité rustique, élevant aussi un troupeau d’ovins jusqu’aux années 80. Dans les années 50, le grand-père plante les premières vignes, confiées alors à la coopérative. Mais il faut attendre 2017 pour que ces ceps trouvent leur voix singulière sous les mains de Justine, revenue d’un long voyage intérieur et géographique.

En 2019, elle fonde son domaine. D’emblée, elle trace une voie exigeante et profondément personnelle. Le geste est jeune, mais la vision est ancienne, ancrée dans les rythmes du vivant. Justine ne se contente pas de reprendre les terres familiales : elle les réveille. La vigne n’est plus une culture parmi d’autres, elle devient langage. Et pour mieux en saisir la poésie, Justine choisit une agriculture biologique résolue, réintroduit le cheval pour un travail du sol plus sensible, et plante à côté un potager en permaculture — un microcosme nourricier qui dialogue avec ses vignes.

Terroir, parcellaire et encépagement

Les vignes s’épanouissent sur ce territoire aux confins de la Drôme provençale et du Vaucluse, baigné de lumière et balayé par le mistral. Les sols y sont variés, entre argilo-calcaires et sables mêlés, portant l’empreinte d’une géologie vivante et contrastée. Ce terroir, bercé par un climat méditerranéen tempéré, favorise une maturité lente et précise. Chaque parcelle, héritée ou replantée, est pensée comme un écrin : Justine y cultive avec soin des cépages enracinés dans la tradition méridionale, sans jamais céder à la facilité ni à la mode.

Méthodes culturales

Ici, l’agriculture est avant tout une éthique. Le domaine est cultivé en bio, avec une attention portée à chaque geste, à chaque cycle. Les sols sont vivants, travaillés à la main et au cheval, sans brutalité ni artifice. Les traitements sont naturels, les interventions mesurées. Le potager, en permaculture, participe à cet équilibre global, nourrissant la terre autant que l’âme. Les vendanges sont manuelles, lentes, presque méditatives. Rien n’est laissé au hasard, mais tout se fait dans l’écoute : de la plante, du lieu, de l’année.

Vinification

Dès ses premiers millésimes, Justine fait un choix fort, presque radical : vinifier dans des qvevris, ces jarres géorgiennes en terre cuite, enduites de cire d’abeille. Ces amphores enfouies dans le sol permettent une micro-oxygénation naturelle, un mouvement fluide des jus, une lenteur précieuse. La matière s’y affine, les tannins se fondent, la vibration du fruit s’exprime avec justesse. Aucun artifice, peu ou pas d’intrants : le vin naît dans le silence de la jarre, sculpté par le temps et la main qui veille. Ce geste ancestral donne naissance à des vins libres, sincères, profondément enracinés.

Dégustation & accords

Les vins de Justine Vigne ont la grâce de ceux qui n’ont rien à prouver. Ils s’imposent par leur pureté, leur verticalité, leur fraîcheur vive qui éclaire une structure toujours juste. On y sent le fruit, mais sans lourdeur ; la minéralité, mais sans austérité. Chaque cuvée est un fragment de lieu, un fragment d’âme. Ce sont des vins d’auteur, sensibles et tactiles, à marier avec une cuisine fine et végétale, des plats de saison, des fromages affinés, ou simplement le silence d’une fin d’après-midi. Ils racontent le retour à la terre, la patience, la beauté d’un geste artisanal, et le souffle d’une modernité enracinée.