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Abbazia San Giorgio

Battista Belvisi sublime la viticulture de son île sicilienne de Pantelleria et notamment le cépage zibibbo, qu’il vinifie en sec de macération et en passito (doux). Des vins de charme et de caractère, solaires et concentrés.
« La nature est parfaite, elle n’a pas besoin de nous. Je la laisse faire ce qu’elle fait depuis toujours. »
Battista Belvisi et Beppe Fontana

Où ?

Entre la pointe ouest de la Sicile et la péninsule tunisienne du cap Bon, trois petites îles éparses prolongent le territoire sicilien : Pantelleria, Lampedusa et Linosa. La plus grande, et la plus proche des côtes de Tunisie, est Pantelleria : un gros volcan émergeant de la Méditerranée. L’identité culturelle, historique et écologique de cette île magnifique est dotée d’un fort caractère, comme le sont aussi son identité viticole, marquée par le passito, un vin doux passerillé, et son identité agricole, dominée par les câpres. Battista Belvisi est né sur l’île, où son père et son grand-père cultivaient la vigne avant lui. Après ses études d’agronomie à Palerme, il ne reste pas en Sicile comme la plupart des autres étudiants panteschi (natifs de Pantelleria) : il retourne sur son île pour y pratiquer la viticulture. Pendant onze ans, Battista travaille avec Gabrio Bini, du domaine Seragghia, puis il décide de créer son domaine : ainsi naît Abbazia San Giorgio en 2015. L’objectif est de produire des vins naturels selon les traditions locales, en bio et en biodynamie, sans s’interdire de se lancer dans de nouvelles directions. Son ami de longue date Beppe Fontana, chef cuisinier, s’associe au projet. Ensemble, ils joueront plusieurs partitions sur le cépage local zibibbo et quelques autres, réalisant des vins parfumés, enchanteurs, extrêmement recherchés : la quintessence de cette île volcanique qui enchante toujours ses visiteurs, particulièrement quand ils ont un verre à la main. « Ce que la terre me donne, je l’accueille, je le transforme en vin, confie Battista. Et ce vin, je ne cherche pas à en faire quelque chose qu’il n’est pas. »

Terroir, parcellaire et encépagement

Les vignes de Battista sont situées près du village de Khamma, dans la partie sud-est de l’île, à 300 mètres d’altitude : trois hectares et demi divisés en petites parcelles. Les vignes, âgées en moyenne de soixante ans, se composent aux deux tiers de zibibbo, le reste consistant en catarratto, en perricone, en pignatello (nom local nostrale) et en nerello mascalese, plutôt associé à la Sicile mais que Battista a su acclimater au sol de Pantelleria. Sol volcanique, soit dit en passant, donc aussi riche en composants minéraux que pauvre en matières organiques, et disposé en terrasses. Bien que le zibibbo soit le cépage emblématique de l’île, implanté par les Phéniciens, il est plus connu en tant que muscat d’Alexandrie. Originaire d’Égypte comme son nom l’indique, il prend une multitude d’appellations selon son lieu d’implantation : Bassin méditerranéen, Espagne, Portugal, Afrique du Sud, Australie… Ses gros grains fermes et sucrés en font un excellent raisin de table et il se prête bien au séchage, d’où son nom, qui vient de l’arabe zabib (« raisin sec »). Le zibibbo de Pantelleria et son mode de culture particulier (voir ci-après) sont inscrits à la liste du patrimoine immatériel de l’Unesco.

Méthodes culturales

Battista dit pratiquer une « agriculture spontanée » et « plus bio que le bio ». Sans s’être doté d’un label ou d’une certification, il n’en applique pas moins les méthodes traditionnelles, biologiques et biodynamiques, sans usage d’aucun intrant chimique. Certaines années, la vigne est laissée intacte pendant son cycle de végétation jusqu’à la vendange. Les parcelles sont enherbées ; l’herbe est arrachée et enterrée à la fin de l’hiver, ce qui fertilise les sols. Aucun autre engrais n’est nécessaire. La taille de vigne dite ad alberello, particulière à Pantelleria, remonte au temps des Phéniciens. Adaptée au climat chaud et venteux, elle n’est pas sans rappeler la taille en corbeille (koulara) de Santorin. Inscrite par l’Unesco à la Liste du patrimoine culturel intangible de l’humanité, c’est la première conduite de vigne au monde à avoir reçu cette distinction. Chaque pied croît individuellement dans une cuvette peu profonde où il est taillé à six branches, produisant un buisson à structure rayonnante. La cuvette est régulièrement entretenue et recreusée pour assurer à la vigne son microclimat, c’est-à-dire une protection contre le vent, le soleil et la sécheresse. Les vendanges, manuelles, se déroulent à la fin du mois de juillet.

Vinification

Après la vendange, les raisins sont éraflés et foulés mais non pressurés afin d’induire une macération pelliculaire qui varie entre une semaine et un mois selon la cuvée. Les fermentations, en cuve d’inox, sont spontanées avec usage des levures indigènes. Les élevages se font partiellement en inox et partiellement en barriques de châtaignier. Les décantations sont naturelles. Aucun intrant chimique ni sulfite n’est ajouté à la vinification et à la mise en bouteille.

Les vins

Petit domaine et cuvées peu nombreuses, mais quelles cuvées ! Le best-seller est l’Orange, un blanc sec de macération à base de zibibbo, un cépage que l’on a toujours associé aux vins doux et liquoreux. Macéré quinze jours, il est élevé six mois en inox et six mois en barriques de châtaignier. Nous ne résistons pas à l’envie de citer la sommelière Elena Masi : « C’est l’odeur de la mer, des agrumes qui irradient leur essence, de l’herbe caressée par la brise. C’est le soleil qui confit les fruits, la beauté simple et extatique de la fleur rose du câprier et le parfum de ses boutons. C’est le sel, la figue sèche… la fraîcheur du soir. » Le passito Magico est un zibibbo passerillé qui s’inscrit davantage dans la tradition pantesca (12 g de sucre résiduel par litre, notes d’abricot confit caractéristiques du passito di Pantelleria). Après la vendange, les raisins sont séchés au soleil sur des grilles pendant huit jours, puis retournés et séchés encore de huit à dix jours avant d’être portés au pressoir avec des raisins frais. La macération d’un mois en cuve d’inox est suivi d’une élevage d’un an en inox et six mois en châtaignier. Cloè, c’est la cuvée de nerello mascalese, un rosé de couleur soutenue à boire frais en toute occasion. Lustro est un blanc de macération à base de catarratto vendangé en septembre. On le conseille avec les antipasti, les poissons et les légumes.

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