Pas dâidole, pas de Messie⊠Je me mets Ă genoux, mon dieu est le Soleil.
Diego Losada
OĂč ?
SituĂ© au nord-ouest de la province de LeĂłn, le Bierzo est une rĂ©gion bordĂ©e au nord par les Asturies et Ă lâouest par la Galice. Deux chemins de Compostelle la traversent : le Camino francĂ©s et le Camino de invierno. Les pĂšlerins peuvent admirer ses magnifiques paysages oĂč des parcelles de vigne couvrent les sommets des collines. Ces vignes sont lĂ depuis longtemps : aprĂšs la crise du phylloxĂ©ra, dans la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle, cette petite rĂ©gion oĂč la viticulture remonte Ă lâĂ©poque romaine en fut Ă tel point traumatisĂ©e quâon nây replanta la vigne quâĂ partir du milieu du XXe siĂšcle. Et, contrairement Ă ce qui fut pratiquĂ© ailleurs, il nây eut pas dâarrachages massifs, ce qui donne Ă ces vignes une moyenne dâĂąge de quarante Ă soixante-dix ans. Le Bierzo est donc une des rĂ©gions viticoles dâEspagne qui comporte le plus de vieilles vignes. Il est essentiel de planter ce dĂ©cor pour comprendre La Senda.
Enfant du pays, nĂ© Ă Ponferrada, ville principale du Bierzo du Nord, Diego nâa jamais Ă©tĂ© adepte du compromis. Radical, Ă©pris de libertĂ© et de rigueur, il applique dâabord cette disposition Ă la musique dans le groupe de heavy metal quâil forme avec ses camarades de lycĂ©e. Câest au vin, plus tard, quâil consacrera cette mĂȘme passion, Ă©tudiant la chimie organique Ă lâuniversitĂ© et sâinitiant aux aspects scientifiques de la viticulture. Mais la rigiditĂ© scientifique et les mĂ©thodes conventionnelles, dĂ©couvertes sur quelques domaines oĂč il travaille, ne le satisfont pas. AttirĂ© par une viticulture plus proche de la terre, Diego rĂ©cupĂšre quelques parcelles pour mettre en valeur, le plus naturellement du monde, le terroir du Bierzo. Il fait tatouer PURE WINE sur les premiĂšres phalanges de ses doigts et, en 2012, crĂ©e Ă la pĂ©riphĂ©rie de sa ville natale le domaine La Senda, dont le nom signifie « le sentier ». Ses vins seront comme lui : honnĂȘtes, francs, naturels et expressifs. Non gratifiĂ©s de lâappellation dâorigine, ils sont le pur reflet de leurs sols et de leur climat, de la personnalitĂ© et de lâĂ©nergie de leur crĂ©ateur.
Terroir, parcellaire et encépagement
Diego cultive ses parcelles de vieilles vignes (ĂągĂ©es de cinquante ans au moins et taillĂ©es en gobelet) sur plusieurs sites du Bierzo, le plus souvent en coteau ou Ă flanc de vallĂ©e. Les rendements sont faibles, les pentes escarpĂ©es, le travail difficile. Le climat nâaide pas : lâhiver est rude et long, lâĂ©tĂ© bref et souvent humide (lâocĂ©an nâest pas loin). Les sols sont pauvres en matiĂšres organiques mais riches en minĂ©raux â argiles, calcaire, schiste, fer, quartz et mĂȘme un peu dâor, mĂ©tal prĂ©cieux que lâon minait jadis dans le Bierzo.
LâencĂ©pagement est local, centrĂ© autour du mencia, la variĂ©tĂ© rouge typique du Bierzo, dont lâorigine est longtemps restĂ©e obscure. On lâa rapprochĂ© du cabernet franc, mais il a Ă©tĂ© Ă©tabli rĂ©cemment quâil descend, on ne sait trop comment, du trousseau jurassien. Câest un raisin teinturier et aromatique, porteur dâarĂŽmes de cacao, dâĂ©pices et de cerise noire. Les autres cĂ©pages rouges sont lâalicante bouschet et le trousseau (appelĂ© localement bastardo) ; les cĂ©pages blancs sont la doña blanca, le palomino, le godello et une petite proportion de malvasia (malvoisie). Il arrive, selon une tradition ancienne, que des variĂ©tĂ©s rouges et blanches soient complantĂ©es et vinifiĂ©es ensemble.
MĂ©thodes culturales
Diego est engagĂ© dans une dĂ©marche biodynamique et naturelle, intuitive et sans compromission. Il aime comparer la viticulture Ă lâĂ©ducation dâun enfant, qui, tout en ayant besoin de libertĂ© pour dĂ©velopper sa personnalitĂ©, reste vulnĂ©rable. Ainsi, il intervient le moins possible Ă la vigne, mais il ne la perd pas de vue. Il la travaille uniquement Ă la main et la soigne au moyen de prĂ©parats biodynamiques tels que les dĂ©coctions de prĂȘle, avec une touche de bouillie bordelaise seulement si nĂ©cessaire. La vĂ©gĂ©tation locale croĂźt librement dans les vignes, et les vendanges vertes servent Ă rĂ©duire le rendement Ă un kilo et demi par pied, contrairement aux quelque six ou sept kilos normalement obtenus.
Vinification
Au chai, Ă©galement, Diego estime que le vin a besoin de temps et dâespace, quâil doit respirer. Ses cuvĂ©es, dont les macĂ©rations sont gĂ©nĂ©ralement douces et brĂšves â la vendange, partiellement Ă©raflĂ©e, repose quelques jours avant pressurage â, sont Ă©levĂ©es en cuves de bĂ©ton ou en barriques anciennes de chĂątaignier ou de chĂȘne français. Il nâaime pas beaucoup lâacier inoxydable, matĂ©riau inerte qui, selon lui, dĂ©truit le naturel dans les vins. Il Ă©vite tout pigeage ou bĂątonnage et ne pratique aucun collage, aucune filtration ni aucun ajout de sulfites.
Les vins
Les vins de La Senda sont intensĂ©ment personnels, mĂ©lodiques, comme si le vigneron leur communiquait son inspiration musicale. Ils sont purs, vivants, frais et minĂ©raux. Les rouges reflĂštent la richesse aromatique et gustative du cĂ©page mencia : frais, Ă©quilibrĂ©s, expressifs, faciles Ă boire, ils arborent une belle robe grenat sombre translucide et parviennent Ă ĂȘtre souples et coulants tout en gardant de la mĂąche et de la densitĂ©. Leurs arĂŽmes sont ceux du Bierzo et de ses cĂ©pages locaux : fruits noirs, terre fraĂźche, cacao, poivre noir. Diego rĂ©alise aussi un vin blanc, In a Gadda-Da-Vida, beau bouquet de fruits blancs Ă la vivacitĂ© Ă©lectrique.