« Mon vin est d’abord de l’eau végétale, puisqu’il est le reflet de la nature. »
Où ?
Chahaignes est un village du sud de la Sarthe, en vallée du Loir, aux confins de l’Anjou et de la Touraine. Jean-Pierre y est né, y a grandi et s’en éloigne à l’âge de dix-sept ans. À vingt-deux ans, il découvre le vin et ne le quittera plus. Cela passera par L’Ange Vin, un bar à vins rue Richard-Lenoir, dans le XIe arrondissement de Paris, qu’il tiendra pendant près de quinze ans. Mais son vrai rêve, c’est d’acquérir un vignoble et de faire des vins sans soufre. Il retourne donc à Chahaignes, récupère des friches en coteau, sur de grands terroirs, ainsi que des caves troglodytes creusées dans le tuffeau. 2002 sera son premier millésime. En parallèle, par son activité de négoce, sous la marque L’Opéra du vin, il vinifie des raisins achetés à des vignerons locaux.
Jean-Pierre Robinot est reconnaissable à sa silhouette souriante et bondissante. Force est de constater que si l’on n’a pas encore réussi à prouver que tous les vins ressemblent à leur vigneron (étude à entreprendre), les crus réalisés par Jean-Pierre, chaleureux, aimables et lumineux, sont à l’image de leur auteur.
Terroir et sols
« Nous sommes, explique Jean-Pierre, à l’orée d’une très grande forêt plantée par Colbert et qui arrête souvent les orages. Nos vignes sont sur des coteaux abrupts qui regardent notre rivière, le Loir. Elles sont plantées sur des terrains complexes : argile jaune, silex et calcaire. » Ces sols étaient autrefois recouverts par la mer et l’on y trouve beaucoup de fossiles. Cela donne aux vins une note résolument saline. Le sol est travaillé et draine bien les eaux de pluie, mais la vigne ne soufre pas trop de la sécheresse. La nuit, la température baisse très vite, ce qui permet au matin de vendanger des raisins très froids. Tous ces éléments, précise Jean-Pierre, font des vins élégants.
Parcellaire et encépagement
Une dizaine d’hectares en Coteaux du Loir, six hectares et demi en Coteaux du Loir-Jasnières. Presque tout le vignoble est exposé sud-sud-est, avec l’encépagement classique de la région : chenin pour le jasnières et le coteaux-du-loir blanc, pineau d’Aunis pour les rouges. « Le chenin, dit Jean-Pierre, est le grand cépage de Loire. Il nous convient à merveille, car nous pouvons tout faire avec lui par les méthodes ancestrales : des grands secs, des demi-secs, jusqu’au liquoreux. » Le pineau d’Aunis ou chenin noir est un très ancien cépage ligérien, vigoureux et fertile. Encore récemment, on le croyait sélectionné il y a dix siècles par les moines du prieuré d’Aunis, en Anjou. Récemment, on a découvert qu’il serait d’origine charentaise et planté dans la région depuis près de deux mille ans.
Méthodes culturales
Jean-Pierre Robinot pratique au domaine de l’Ange Vin une viticulture biologique exigeante, sans désherbage chimique. Le sol est travaillé et amendé au moyen de composts naturels. Toutes les vendanges, pratiquées à maturité sur des raisins sains, sont faites à la main. Le lieu et la climatologie favorisent la pourriture noble.
Vinification
Tous les vins sont sans sulfites ajoutés, sans aucun intrant et non filtrés. Les pineaux d’Aunis (rouges) ne sont jamais égrappés et cuvent longtemps, parfois un mois, avec pigeages réguliers. Ils terminent leur fermentation en barriques sur lies pendant au moins un an. Les blancs ne sont jamais macérés mais pressurés directement et lentement, et élevés au moins douze mois en fûts de chêne. Jean-Pierre pratique beaucoup l’oxydation ménagée. Les pétillants naturels sont élevés deux à trois ans sur lattes et dégorgés à la volée. Les vins reposent dans des caves creusées dans le tuffeau à cinquante mètres sous terre : la température en hiver y est de 10 °C et, en été, ne dépasse jamais 13 °C, même quand il fait 40 °C dehors.
Les vins
« C’est le vin de mon grand-père ! » dit-on souvent à Jean-Pierre en dégustant ses vins pour la première fois. La longue fermentation malolactique en barriques sur lies contribue à expliquer la typicité gustative de ses blancs de chenin, travaillés et complexes : une jolie plénitude en bouche, du gras, de la texture et souvent des notes de fruits blancs confits (poire, coing, pomme), de miel, d’agrumes et de fleurs blanches. L’oxydation ménagée n’est pas rare et les sucres résiduels sont toujours pertinents. Parmi les cuvées de blanc 100 % chenin : Le Charme du Loir, Charme, L’Iris, Bistrologie. Pétillants : Fêtembulles, Les Années folles, l’As des Années folles. Rouges : Regard, Lumières des Sens, Nocturne. Camille Robinot est une grande cuvée de vieilles vignes de pineau d’Aunis. Ces vins, puissants et structurés sous leur apparente insouciance, se conservent assez longtemps pour clouer le bec à ceux qui prétendent que le « nature » ne se garde pas. Ce sont des vins à facettes : aucune cuvée ne ressemble à l’autre, et pourtant l’unité de style de l’ensemble ne fait aucun doute.
Jean-Pierre est aussi photographe et réalise, en pose lente, toutes les étiquettes de ses bouteilles.