« Faire pousser de beaux raisins et les vinifier le plus sainement possible, c’est notre métier. »
Rodolphe Ourliac et Laetitia Gianesini
Où ?
En 1998, en pleine appellation Corbières, entre Lézignan et Escales, Rodolphe et Laetitia achètent dix-huit hectares de parcelles qui formeront le noyau de leur domaine Fond Cyprès. Avant même de planter leur premier cep, ces enfants du pays, tous deux descendants de vignerons, ont déjà une vision bien affirmée : « élaborer des vins du Sud qui nous ressemblent, des vins de caractère attachés à nos sols, mais avec de la fraîcheur et des tannins affinés ». Ils veulent obtenir des concentrés de terroir, des vins entièrement naturels. Ils commencent par aménager les terrasses afin d’y planter de la vigne : six années de travail pour aboutir à une exploitation conforme à leurs rêves. La conversion du domaine à l’agriculture biologique s’amorce en 2004 et la première vendange en bio date de 2010, en même temps qu’ils commencent la pratique de la vinification naturelle. Pour cela, ils reçoivent l’aide et l’expertise de Frédéric Cossard, leur ami de Bourgogne également présent au catalogue Culinaries. Loin de voir dans le vin nature un marché de bobos, ils y voient l’avenir de la viticulture. Le fait que des chefs étoilés plébiscitent leurs vins nourrit cette confiance.
Terroir et sols
La formation des Pyrénées a considérablement bousculé les sols du vieux massif des Corbières et de l’appellation viticole qui porte son nom, faisant de celle-ci une mosaïque de terroirs argileux, calcaires, gréseux, schisteux ou graveleux. Autour de Lézignan dominent les terrasses détritiques du quaternaire : garrigues caillouteuses, sols argilo-calcaires et argilo-graveleux ; de vrais terroirs à vins dont Fond Cyprès tire la quintessence. Le climat sec méditerranéen est tempéré par la végétation (arbres et haies) autour des parcelles, préservant la fraîcheur des sols.
Parcellaire et encépagement
Les premières parcelles achetées étaient déjà plantées de carignans et de grenaches à l’abandon, qui n’avaient vu ni engrais ni pesticide depuis des années : ces sols propres et vivants étaient une condition idéale pour se lancer dans le vin naturel. Autour de ce cœur historique du domaine ont été plantés syrah et grenache noir. Enfin, une dernière parcelle a été plantée de cépages blancs : viognier, grenache blanc et roussane.
Méthodes culturales
Depuis 2010, le domaine est en bio certifié (Ecocert, Nature et Progrès). Rodolphe et Laetitia aiment à rappeler que leur exemple a convaincu leurs voisins de se mettre au bio eux aussi. Les vignes sont bordées de haies d’essences végétales variées (iris, genêts, pyracanthas, lauriers-tins). En terrasses, elles sont délimitées par des murets de pierre. Les trois quarts des vendanges sont effectués manuellement, en caissettes.
Vinification
Les vinifications se font sans levures exogènes ni ajout de sulfite. Rodolphe et Laetitia sélectionnent les plus beaux raisins, les égrappent à la main et les cuvent ou les pressent. Avec le « pied de cuve » obtenu par fermentation spontanée, ils ensemencent les cuves suivantes. Un nettoyage soigneux des cuves et la maîtrise des températures permettent d’éviter la prolifération de bactéries. Les extractions sont douces et, souvent, pour adoucir les tannins, des barriques bordelaises ou bourguignonnes de plusieurs vins sont utilisées pour des élevages de neuf à dix mois. Aucune filtration n’est pratiquée.
Les vins
« Nous faisons des vins de plaisir », disent Laetitia et Rodolphe. Pour eux, le vin naturel s’évalue d’abord au goût, dès la vendange : les moûts sont plus fruités, plus fluides, plus complexes. Les dénominations des cuvées sont simples : cépage, appellation ou couleur, parcelle ; parfois un peu de lyrisme (« Cyprès de toi »), toujours modéré. Les cuvées suivent le parcellaire de très près : Le Grenache du bois Saint-Jaume, issu de vignes de soixante ans d’âge, restitue dans sa matière veloutée les arômes de garrigue présents dans la parcelle. Le Carignan de la source, issu lui aussi de vieilles vignes, offre des notes aromatiques de tilleul et de fruits rouges. La Syrah de la pinède exprime la fraîcheur de jeunes syrahs de quinze ans entourées de pins et de cyprès, avec des arômes d’olive noire. Le Corbières, enfin, est un assemblage des trois. Quant au Blanc des garennes, c’est un blanc du Sud, atypique, riche et profond, qui réunit les trois cépages blancs complantés dans la plus jeune parcelle, vendangés en même temps à des maturités différentes.